Mon ami Noir

Mon ami NOIR imaginaire

Mon ami noir , oh mon ami Noir ! Tu es l’ami imaginaire le plus sollicité en temps de crise ! Un peu comme le dernier rempart lorsqu’on est pris la main dans le sac. On sait pertinemment qu’on va droit dans le mur mais on avance avec la bêtise chevillée au corps. Si tu n’existais pas, il faudrait t’inventer. Mais suis-je bête, ils l’ont fait. Toute honte bue, ils t’ont crée de toutes pièces. N’allons pas trop vite en besogne. « Créer » est un bien grand mot. « Imaginer » est plus approprié. A leur décharge, la création ne germe pas dans les esprits étriqués. Ils sont passés outre ce qui définit une personne ne fusse qu’administrativement. En effet, pourquoi entrer dans les détails ? As-tu besoin d’avoir un prénom ? Ce n’est pas comme si vous étiez amis. Ah mais si, vous êtes amis. Des amis qui ignorent tout l’un de l’autre.

Mon ami Noir et l’amitié

Mon ami Noir, revois tes relations. Tout du moins fais le tri. Tes amis parlent de toi lorsqu’ils sont dos au mur. Comment te dire sans te froisser que cet amitié est intéressée. Les as-tu déjà sollicité comme ils le font à tour de bras ? Non, je ne crois pas. J’en suis même certaine car rappelons-le tu es le fruit de leur imagination. Qu’à cela ne tienne. Farfouillons dans leurs esprits où il n’y a pas de place pour la couleur. Il n’y a d’ailleurs pas de place, tout court. Allons-y. Chaussons nos bottes et descendons dans cette arène marécageuse. Commençons l’inventaire. Mais j’y pense, faut-il vraiment perdre son temps? On risque de s’embourber. Et puis c’est bien connu, les excréments c’est pas bon pour le teint. Moi je tiens à ma mélanine.

Prenons des gants et allons au tréfonds. On pense aux gestes barrières. L’endroit est hostile. On met son masque. Il manquerait plus qu’on sorte de là avec une gastro-entérite aigue au champ lexical raciste. Alors on prend ses précautions. On balise la zone. Et puis on pioche au hasard. On a l’embarra du choix car ça pullule de clichés fétides. On se pince le nez et on attrape : « retourne chez toi sale nègre ». C’est audible et sans ambiguïté pour tout un chacun. Certes, le français est élastique mais la richesse de son vocabulaire permet une justesse de compréhension. Un mot est un mot alors évitons les grands écarts. Mensonge ne sera jamais vérité. A moins de vouloir pousser le vice jusqu’à réécrire le Larousse. Pour un cerveau déjà étriqué s’attaquer au Larousse c’est pas compliqué mais suicidaire. Un peu comme jouer aux auto-tamponneuses sur l’autoroute lorsqu’on est piéton.

Fourberie raciste

Soyons lucides, il est illusoire d’espérer faire passer le propos raciste pour de l’incompréhension. Mais ne nous y trompons pas. La fourberie est cocasse. Vous débitez des phrases nauséabondes puis vous dites qu’elles sont sorties de leur contexte. Vous poussez la coquetterie jusqu’à vous présenter en victime. Le pompier pyromane. Même le caméléon à une durée de vie limitée. Et c’est lui le Maître en la matière. Vous, vous avancez en terrain miné. Et c’est justement à ce moment précis qu’intervient « mon ami noir ».

« Mon ami Noir » sort comme un joker, la carte qui évite la case prison au Monopoly. Mais ce n’est pas un jeu. Dans la réalité, la case prison est bien au bout du chemin. Il y a aussi une série d’amendes pour vous apprendre à réfléchir avant de parler. C’est bien connu, il faut tourner sa langue sept fois dans sa bouche. Aussi pestilentielle soit elle. Quant à toi, le fameux « ami Noir », de ton monde imaginaire, ma mélanine te décerne la palme d’or de l’alibi le plus sollicité. Tu peux désormais reposer en paix. Et pour ceux qui t’utilisent sans vergogne, une phrase de Aimé Césaire me vient à l’esprit.

« Nègre vous m’appelez et bien oui, nègre je suis. N’allez pas le répéter, mais le nègre vous emmerde. »

Aimé Césaire